LES TAXIDERMISTES, Démo (1985) + Les Taxidermistes (1985)

 

(Reprise d'une ancienne chronique).

Avant-propos

Un après midi , pratiquant l'Art consistant à ne rien faire assis dans mon fauteuil et par conséquent favorable au vagabondage de l'esprit, me vint l'idée de « l'après moi » autrement dit comment ne pas être oublié par ma descendance. Hostile aux alignements de marbre ou de granit et autres rites funéraires qui vu la conjoncture vont atteindre des prix prohibitifs, j'envisageai, n'étant qu'après tout un animal dit évolué, ce dont je doute fortement, de me faire empailler dans une attitude mise en scène proche du vivant à savoir assis dans un fauteuil en train de ne rien faire, mise en scène pouvant, afin de rendre celle-ci encore plus réaliste, varier par l'adjonction d'un joli guéridon sur lequel repose une canette vide ou pleine.
C'est donc dans cette optique que commencèrent mes recherches sur les taxidermistes.
Celles-ci me poussèrent à m'intéresser au Lot et Garonne et plus précisément à la ville de Fumel où des taxidermistes semblaient y avoir eu une certaine réputation mais après vérification il s'avéra que ceux-ci étaient en réalité.........un groupe de rock.
Voilà donc comment cette recherche, interrompue temporairement, prit une toute autre tournure et comment cette chronique vit le jour.

LES TAXIDERMISTES 

Fumel , ce nom doit vous dire quelque chose même si vous n'êtes pas pêcheur.
Cette ancienne petite ville industrielle plantée au milieu du fois gras fut dans les années 80 un des hauts-lieux du rock en France.
Pourquoi, tout simplement parce que les jeunes de cette citée, ne voyant pas d'autre avenir que de finir dans l'usine qui employait une grande partie de la population, rêvaient en créant des groupes de rock d'accéder à la célébrité et d'échapper ainsi à ce destin.
Fumel a eu droit en 1982 à une émission des Enfants du rock « Samedi soir à Fumel » puis en 2006 à un documentaire « Fumel, de feu, de fer et de rock ».
Mais nos Taxidermistes en tant que groupe n'existaient pas encore pour la première émission et plus pour le documentaire, ce n'est donc pas la peine d'essayer de les trouver sur ces vidéos. 

Leur histoire commence en 1983 de la rencontre de José « Jo » Caron (guitare, harmonica), Jean-François « Jerry » Talet (batterie), Christophe « Chrys » Cazette (basse) rejoints en fin d'année par Gérard « Bah » Paguisco (chant).
A cette époque le groupe prend le nom de « Los Olvidados » qui devra être abandonné suite à la demande d 'un autre groupe portant déjà le même. Dans un premier temps le nom sera simplement francisé « Les Oubliés » puis transformé fin 83 après une séance de brainstorming laissant libre cours aux propositions de chacun (« les moisis », « Les croix sans bière ») en « Les Taxidermistes », nom qui va coller parfaitement aux titres du groupe.

Fin 84 le besoin d'avoir un clavier se fait ressentir et c'est Marie Pierre « Mîte » Fournier qui prend la première cette place.

Les taxidermistes tournent localement avec des compositions chantées en français de José Caron dans lesquelles chacun apporte ses idées. 

Une démo très bien enregistrée sort avec quatre titres « Barnabé le jardinier », « Clélia », « Docteur Guillotin » et « Cette fille est impénétrable ». Ecoutez bien les textes, l'univers des Taxidermistes est bien là jouant avec les mots entre la vie et la mort avec une touche prononcée d'humour noir. 

 

Marie Pierre « Mîte » Fournier est remplacée au clavier par Jean Marc « Bidau » Bidaubailles.
Le groupe prend Louis Avanzato (ancien batteur du groupe Angoisse dans lequel officiait déjà José Caron en tant que guitariste compositeur et que vous pouvez voir et entendre dans les deux films relatifs à Fumel) comme manager. Celui-ci s'est recyclé dans cette profession durant laquelle il deviendra également celui de Cyclope et des Ablettes.
C'est suite à un concert en première partie des parisiens de « Cyclope » que les taxidermistes entrent en contact avec la maison de disques Madrigal avec qui le groupe est sous contrat. Par la même occasion Louis Avanzato en profitera pour devenir le manager de Cyclope.
Un contrat est donc signé avec le projet d'un 45t avec les titres « Le vieux solitaire » et « Barnabé le jardinier ». Il sera enregistré en Août 85. 

Le groupe ayant d'autres titres en réserve Madrigal décide finalement de sortir un 33t et le 45t pressé ne sera pas commercialisé mais uniquement donné à titre promotionnel.
C'est donc en novembre 85 que le groupe retourne en studio pour enregistrer les nouveaux titres et faire pour l'occasion un concert à Paris au Gibus (dont on retrouve une photo au dos de la pochette).

 

A la sortir de l'album la critique de la presse spécialisée est bonne comme le montre l'article sorti dans Best.

 

Le groupe continue les concerts régionaux mais par obligations professionnelles les répétitions deviennent parfois compliquées à organiser et le batteur Jean François Talet quitte l'aventure prometteuse peu de temps après la sortie de l'album et est remplacé par Tom Buzit.
La notoriété du groupe leur permet d'être programmé au Découvertes du Printemps de Bourges inaugurées en 1986 afin d'élargir la scène musicale aux formations moins connues.
Nouveau coup dur le chanteur Gérard Pagiusco part à son tour un mois avant et c'est dans l'urgence qu'il faut le remplacer pour ne pas manquer ce rendez-vous.
C'est Thierry Salban, le copain de l'époque de la soeur du batteur (ça reste en famille) qui, en tant que chanteur improvisé, prend le poste.
Reste à lui faire ingurgiter très rapidement tous les titres. 

 

31 mars 86 : Si le fait de jouer après Sue et les salamandres et entre les Hot Pants de Manu Chao et les Infidèles devant un public venu en grand nombre renforce l'excitation générale des musiciens du groupe pour qui le Printemps de Bourges reste une excellente occasion pour se faire remarquer, elle ne fait qu'augmenter le stress du nouveau chanteur.
C'est donc au tour de nos Taxidermistes déterminés d'entrer en scène, malheureusement le chanteur tétanisé par l'évènement n'arrivera pas à sortir un seul mot. Ce sont donc les musiciens habitués à faire les choeurs qui vont relever le défit et assurer le concert qui sera d'une certaine façon un fiasco.
Suite aux événements les Taxidermistes font appel à Laurent Cellier (ancien chanteur du groupe punk fumelois « Discussion Nocturne » auteur d'un seul concert dans lequel Christophe Cazette était guitariste).

Durant l'été 86 le groupe, dont certains titres passent sur les radios locales, va entreprendre une série de concerts dans le Golfe de Gascogne allant de Cap Breton à Seignosse en passant par Vieux Boucau. Une tournée qualifiée de très rock' n' roll par les membres du groupe consistant à démarcher les bars et autres lieux de festivités pour pouvoir se produire contre pas grand chose, installer le matériel, trouver un endroit pour camper, faire leur concert, faire la fête toute la nuit avec les groupies locales et recommencer le lendemain. Dans leur virée il entraîne un ami Hamoud Bellal, qui lui reste très sage, chargé de vendre l'album et de faire la manche pendant les concerts et sur les plages du golfe de Gascogne.
Pour continuer l'aventure nos Taxidermistes se produisent ce même été à Marmande (ce qui sera pratiquement leur dernier concert) en première partie des célèbres Charlots.
Tous les flonflons ont été organisés pour accueillir les vedettes, voitures, buffet avec les notables du coin etc…, mais, car il y a un mais , l'organisateur n'est pas du tout un organisateur mais un escroc professionnel qui se tire avec la caisse pendant le spectacle. 

 

La suite est commune à beaucoup de groupe. Les répétitions sont de plus en plus difficiles à organiser et l'indisponibilité des membres du groupe empêche d'établir des dates de concerts.
Les Taxidermistes cessent définitivement d'exister en 1987.
Une question reste en suspens : combien de disques ont vendu les Taxidermistes ?
Personne ne le sait et ni le manager ni la maison de disques n'a jamais voulu répondre à cette question qui fâche.
La seule certitude c'est que le groupe n'a jamais touché un kopeck.
Une exposition intitulée « Punk sur la ville » a été réalisée à partir d'une collecte locale en avril 2015 à la bibliothèque de Fumel pour mettre en valeur le patrimoine musical punk et rock de la ville dont font partie nos Taxidermistes.

José Caron continu l'aventure depuis tout ce temps en créant d'autres groupes dont les « KELBIN'S », « OLD SHIVERS » et plus récemment les « PP Brûle » (l'humour est toujours là) avec notamment Joël Ségura (auteur de plusieurs albums de blues et bassiste de Nino Ferrer pendant de nombreuses années).

Vidéo OLD SHIVERS

Vidéo PP BRÛLE

Christophe Cazette a retrouvé son poste de guitariste d'origine au sein du groupe Exces Terra.

Je tiens à remercier les Taxidermistes et en particulier Jean François Talet, Christophe Cazette et José Caron pour leur gentillesse, leur patience, leur humour et pour tous les documents qui m'ont permis de vous retracer leur histoire.
Je suis heureux d'avoir, le temps d'une chronique, redonné une seconde vie à ces Taxidermistes de talent et par la même occasion d'avoir après toutes ces années pu contribuer à renouer le contact entre certains membres du groupe qu'il a fallu parfois aller chercher assez loin au pays de la Perfecta.
Que dire du style des Taxidermistes simplement que musicalement c'est du Taxidermistes et que pour les textes il faut soigneusement les écouter pour en saisir tout le sens.

 

Bon maintenant je peux reprendre mes recherches là où je les avais laissées...

Bonne écoute.

Makhno